Louise Michel et la Commune de Paris

16. Octobre 2005

A l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Louise Michel, la FGIL avait organisé un voyage culturel à Paris «Sur les traces de Louise Michel et de la Commune de Paris».



Le point de départ se fit à la Butte Montmartre, au Square Louise Michel. Jusqu’en 2004, ce square, dominé par le Sacré-Cœur qui a été élevé à cet endroit pour sanctionner la Commune, portait le nom de l’antisémite Willette. Le 28 février 2004, il été enfin débaptisé pour porter le nom de Louise Michel C’est précisément à Montmartre où à l’aube du 18 mars 1871, jaillit le sursaut populaire qui donnait naissance à la première révolution ouvrière mondiale, la Commune de Paris. Et Louise Michel fut une des premières insurgées de Montmartre et l’une des militantes les plus actives de la Commune. Son nom rappelle aux passants l’acte historique qui s’est joué à Paris entre le 18 mars et le 28 mai 1871.

La visite a été organisée en collaboration avec les Amis de la Commune de Paris-1871. Voici en bref les étapes les plus mémorables et les moments les plus émouvants :

— La randonnée dans les ruelles de Montmartre et l’arrêt à la Place Jean-Baptiste Clément, auteur de la chanson « le Temps des cerises », la chanson des communards.

— Le moment de recueil au Mur des Fédérés, où le 28 mai 1871, 147 détenus communards furent exécutés.

— La montée vers la place de la Commune de Paris et la visite de la maison des Amis de la Commune.

— Le moment de recueil au Jardin du Luxembourg, devant le mur où des communards furent exécutés.

— Le dépôt d’un bouquet de roses rouges sur la tombe de Louise Michel au cimetière de Levallois par notre président d’honneur, René Gregorius.

— La visite du monument de Louise Michel dans le parc de Levallois.


La vie de Louise Michel,
institutrice et héroïne de la Commune de Paris.

Louise Michel naît au château de Vroncourt le 29 mai 1830 d'un châtelain, Charles, Étienne Demahis (plus vraisemblablement de son fils) et de sa jeune servante Marianne Michel.

La petite Louise grandit au château auprès de sa mère et des châtelains qu'elle appelait grand-père et grand-mère (leur fils avait quitté la maison peu après sa naissance).

Dans ce milieu voltairien, du moins du côté paternel, Louise reçoit une éducation libérale et une bonne instruction. Elle montre un caractère enjoué, espiègle et surtout révèle très tôt un esprit altruiste peu commun. Elle soulage toutes les misères humaines qu'elle rencontre, distribue aux pauvres ce qu'elle possède, l'argent que lui remet son grand père.

Après ses études à Chaumont, elle obtint le brevet de capacité qui lui permet d'exercer comme « sous-maîtresse », nous dirions aujourd'hui institutrice. Mais elle se refuse à prêter serment à l'Empire et préfère ouvrir une école libre en Haute-Marne en janvier 1853.

Trois années plus tard, après avoir pratiqué un enseignement concret et inspiré de sentiments républicains -- non sans avoir subi quelques réprimandes des autorités -- Louise Michel s'installe à Paris.

Louise Michel est alors très active, écrivant et rimant (elle adresse quelques poèmes à Victor Hugo) collaborant aux journaux d'opposition, suivant des cours du soir, fréquentant les réunions publiques où elle rencontre Vallès, Varlin… et Théophile Ferré qu'elle aima passionnément.

Selon un rapport de police, Louise Michel " a commencé à prendre part au mouvement politique dès les premiers jours de l'année 1869 ". Son nom est cité comme étant celui de la secrétaire de la Société démocratique de moralisation ayant pour but d'aider les ouvrières à vivre de leur travail.

Le 12 janvier 1870, habillée en homme, un poignard caché sous ses habits, elle est au nombre des 100 000 ou 200 000 Parisiens et Parisiennes qui assistent aux funérailles de Victor Noir, journaliste républicain assassiné par un parent de l’empereur.

Un rapport de police de 1878 affirme qu’elle a adhéré à l’Internationale, sans pourtant apporter une précision de lieu et de date.


En novembre 1870, elle est élue présidente du comité républicain de vigilance des citoyennes du XVIIIe arrondissement.

Le soir, elle fréquente les réunions, notamment le club de la Patrie en danger et le jour elle dirige une école où, dans Paris affamé, elle organise une cantine pour ses élèves.

Le 22 janvier 1871, quand Paris manifeste contre le gouvernement qu'il accuse d'inertie, puis d'esprit de capitulation, Louise Michel, en habit de garde national, fait le coup de feu place de l'Hôtel-de-Ville.

Le 18 mars, sa carabine sous son manteau, avec les membres actifs du Comité de Vigilance de Montmartre elle monte « à l'assaut des Buttes ».

Louise Michel se dépense alors sans compter, elle est tout à la fois propagandiste, garde au 61e bataillon, ambulancière et toujours préoccupée des problèmes d'instruction et d'éducation.

Elle anime le Club de la Révolution dont elle préside souvent les séances.

Elle préconise un enseignement vivant, des écoles professionnelles et des orphelinats laïques.

Pendant la Commune de Paris, elle est à Issy et à Clamart, combattant au premier rang ou ralliant les fuyards.

C'est à la barricade de la chaussée Clignancourt, avec quelques dizaines d'hommes de son bataillon, qu'elle tire ses derniers coups de feu.

Elle s’échappe, mais se livre ensuite pour libérer sa mère arrêtée à sa place.

Devant le 6e conseil de guerre, elle est condamnée, le 16 décembre 1871, à la déportation dans une enceinte fortifiée, au bagne.

Après 23 mois de détention en prison centrale, Louise Michel est embarquée le 24 août 1873, en Charente Maritime, pour la Nouvelle-Calédonie.

Comme toujours, Louise Michel songe aux autres plus qu'à elle-même et refuse de bénéficier d'un autre régime que celui des hommes.

Toujours passionnée de pédagogie, elle cherche à instruire les Canaques et, contrairement à certains Communards qui s'associèrent à leur répression, elle applaudit à la révolte des Canaques qui se soulèvent contre le colonialisme français en 1878.

En 1879, elle obtint de s'installer à Nouméa et de reprendre son enseignement, d'abord auprès des enfants de bagnards, puis comme professeur de dessin et de musique dans les écoles de filles.

Le 9 novembre 1880, elle revient enfin à Paris avec les derniers communards déportés. Elle y reçoit un accueil enthousiaste.

Après son retour en France, Louise Michel se réclame, et jusqu'à sa mort, du mouvement anarchiste. Dans un article du Libertaire (1896), elle affirme: " Je suis devenue anarchiste quand nous avons été envoyés en Calédonie ".

Militante infatigable, elle fit des centaines de conférences en France, en Angleterre, en Belgique et en Hollande.

Suivie par les services de police, Louise Michel subit plus d'une fois la répression. En voici quelques exemples :

9 janvier 1882: Quinze jours de prison pour outrage aux agents lors de la manifestation anniversaire de la mort de Blanqui.

23 juin 1883: Six années de réclusion pour avoir encouragé le pillage de plusieurs boulangeries lors d’une manifestation de chômeurs. Elle sera libérée le 14 janvier 1886 suite à l’intervention de Clemenceau.

12 août 1886: Quatre mois de prison pour incitation au meurtre. Elle avait parlé en faveur des mineurs de Decazeville en grève jugés responsables de la mort de l'ingénieur Watrin. Elle sera libérée en novembre.

30 avril 1890: Arrêtée, libérée au début de juin à la suite de deux ordonnances de non-lieu.

Ce qui frappe dans le caractère de Louise Michel, c’est son courage. Une preuve de son courage sont les paroles qu'elle adresse au président du 6e conseil de guerre, le 16 décembre 1871 :

" J'appartiens toute entière à la Révolution sociale [...] Ce que je réclame de vous qui vous affirmez Conseil de guerre, qui vous donnez comme mes juges, qui ne vous cachez pas comme la Commission des grâces [...] c'est le champ de Satory, où sont déjà tombés nos frères. Il faut me retrancher de la société; on vous dit de le faire; eh bien ! le commissaire de la République a raison. Puisqu'il semble que tout coeur qui bat pour la liberté n'a droit qu'à un peu de plomb, j'en réclame ma part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la Commission des grâces ".

Louise Michel meurt à Marseille le 10 janvier 1905, au cours d'une tournée de conférences.

Son cercueil est transporté à Paris. Le 21 janvier 1905, une foule immense accompagne le corps de Louise Michel de la gare de Lyon au cimetière de Levallois. Elle est enterrée dans le caveau de sa mère. De nombreux orateurs y prennent parole et, parmi eux, le Vénérable de la Loge « la Fraternité Universelle » où elle avait été initiée quelques mois auparavant. Des emblèmes maçonniques sont déposés sur le cercueil.

En 1946, les restes de Louise Michel sont exhumés et ensevelis, dans le même cimetière, au rond-point des Victimes du devoir. Sur sa tombe on peut lire l’inscription: « Salut au réveil du peuple et à ceux qui, en tombant, on ouvert si grandes les portes de l’avenir ».
André GLODT


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