Inauguration du siège de l’Institut géologique Michel LUCIUS.
09. Octobre 2005Le jeudi 22 septembre fut un grand jour pour la petite localité de Reimberg. En effet, ce jour-là, la fin de la rénovation de la maison natale du célèbre géologue a été célébrée en présence de nombreuses personnalités et d’une délégation de la FGIL. C’est dans cette maison que l’IGML aura dorénavant son siège.
Dans son allocution, notre président d’honneur, René Gregorius, a retracé la vie de l’instituteur Michel LUCIUS.
L’instituteur Michel LUCIUS
Nous nous sommes réunis pour inaugurer l’IGML dans la maison natale de Michel LUCIUS à Reimberg.
De la colline inspiratrice.
Situé entre la Lorraine et les Ardennes, Reimberg, peut-être colline inspirée, associe rime et montagne.
Le jeune Michel, descendant de casseurs de pierres, ne manquait pas d’éléments d’inspiration sur sa montagne, d’où le regard plongeait dans une terre qui, remuée par la charrue, resplendissait dans toutes les couleurs des grés bigarrés, des marnes bariolées et d’autres formations où le rouge prédomine. Plausible que cette belle vue ait suscité la curiosité du petit Michel d’en savoir plus de cette terre, de son histoire et de ses vertus, donc de devenir le géologue que Jacques BINTZ vient de présenter.
Dans notre jeu de mot, l’imagination aidant, rime inspire l’art, l’écriture, la création, la recherche de la lumière et de son épanouissement par l’enseignement. Sur sa montagne, Michel voit loin. Il se décide de devenir instituteur, pour ouvrir de nouveaux horizons à la jeunesse du pays.
L’instituteur dans la FGIL.
Sorti de l’Ecole normale des Instituteurs en 1896, il occupa le poste d’instituteur à Lieler (1896-1899), à Petit-Nobressart (1899-1902) et dans le quartier de la Gare à Luxembourg (1903-1910). Entre-temps, il a acquis les trois brevets d’instituteur et fait deux semestres d’études à la Sorbonne de Paris (1902-1903).
Dès son entrée dans la profession, Michel LUCIUS s’est fâché sur la quasi-absence des sciences naturelles dans le plan d’études de l’école primaire. Ses plaintes et celles de ses collègues n’ont pas été ignorées par le Gouvernement qui autorisa Michel LUCIUS à faire des études
universitaires complémentaires. Par la suite, des conférences notamment en sciences naturelles, s’adressant aux instituteurs des classes supérieures, furent organisées par le Gouvernement. Michel LUCIUS assura celles de géologie. (1910)
L’initiative de ces conférences officielles émane de la Fédération générale des Instituteurs luxembourgeois, « FGIL », dans le cadre de laquelle Michel LUCIUS avait déjà offert ses contributions sur la géographie et la géologie à Clervaux (1906), sur les eaux courantes et les structures géologiques à Roodt (1907), sur le volcanisme (1908), sur les nappes d’eau souterraines à Koerich (1909).
L’instituteur Michel LUCIUS adhéra à la FGIL dès sa fondation en 1900. Cette fondation fut accélérée à la suite de la loi désastreuse du 6 juin 1898 qui renforça la mise de l’instituteur sous la tutelle de l’église et notamment sous celle du curé de la paroisse qui émettait ce fameux certificat de moralité religieuse, requis pour l’admission de l’instituteur à un examen de capacité et lors de sa candidature à un autre poste. Il fallait attendre la loi scolaire de 1912 pour mettre fin à cette situation scabreuse, bien décrite par Germaine GOETZINGER dans ses commentaires sur la pièce « Lene Frank » de Nikolaus WELTER, rééditée en 1990 par le Centre d’études de la Littérature luxembourgeoise.
Michel LUCIUS était très actif dans la FGIL. Mentionnons la signature par Michel LUCIUS en 1910 d’un rapport d’une importante réunion d’instituteurs réclamant la fermeture des Ecoles normales afin que l’instituteur puisse avoir, dans le cadre des lycées, une formation sanctionnée par un diplôme de fin d’études donnant accès aux études universitaires, revendication réalisée en 1958.
En 1910, il continuait ses études géologiques à Zurich. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat en 1912, il rentra à Luxembourg, où on ne trouva pas de place pour un homme de cette haute compétence. Il enseigna jusqu’en 1914, tout en assumant la surveillance des forages à Mondorf.
Avant de partir pour Bakou, en sa qualité de géologue, il donna en outre de nombreuses conférences dans les associations d’éducation populaire à travers le pays. Instituteur jusqu’à la fin de sa vie, il répondait par l’affirmative à toutes les demandes de communication verbale ou écrite.
Sur les traces du géologue en Turquie.
Il y eut dans la vie de Michel LUCIUS une période particulièrement intéressante, celle de son travail en Turquie de 1924 à 1933. Il y explora le sous-sol à la recherche d’éventuelles ressources minéralogiques et énergétiques dont avait besoin la jeune République laïque de Turquie, créée en 1923. Les résultats de ces recherches sont consignés dans 48 rapports géologiques dont les copies se trouvent à l’IGML, ceci grâce aux initiatives prises par les instituteurs de la FGIL.
Après de nombreuses démarches et avec l’aide de l’Ambassade de Turquie à Luxembourg, les dirigeants de la FGIL eurent connaissance de l’existence de ces rapports au MTA (Direction générale de la Recherche et de l’Exploration minérales) à Ankara. Aussitôt la FGIL entreprit un voyage (2003) sur les traces du géologue Michel LUCIUS en Turquie. Nous étions 42 membres de la FGIL et du Centre culturel et d’Education populaire de Bonnevoie, parmi nous le géologue Ady MULLER, à être reçus au MTA où on nous informa que le rapport No 1 de ses Archives était signé Dr Michel LUCIUS. Il s’agit de l’Etude Géologique du Terrain Houiller de la Mer Noire. Le directeur du MTA nous communiqua ensuite que, vu les mérites du géologue luxembourgeois, la salle où sont conservés ces rapports portera désormais le titre « Salle Dr Michel LUCIUS ». Pour laisser un souvenir de cette mémorable rencontre, des plaques commémoratives furent remises aux organisateurs, dont une pour l’IGML. De retour à Luxembourg, le vice-président de la FGIL et responsable du voyage André GLODT remit les rapports à l’IGML lors de son assemblée générale du 3 mars 2004.
Pour garder le souvenir de ce voyage sur les traces de Michel LUCIUS en Turquie et pour honorer le travail immense de ce grand homme, géologue et instituteur, la FGIL a édité un livre de 115 pages, disponible à son siège à Luxembourg et, si cela peut se faire, au siège de l’IGML à Reimberg.
Le géologue, témoin d’une révolution scolaire.
Quant à l’instituteur Michel LUCIUS, il fut témoin pendant ses neuf ans en Turquie d’une révolution pacifique sans pareille en matière de développement scolaire, culturel et politique, dont les points forts sont: l’unification et la laïcité de l’enseignement (Constitution de 1924), la multiplication des écoles primaires publiques obligatoires, gratuites et laïques, un recrutement massif d’instituteurs pour que les écoles puissent fonctionner jusque dans le dernier village, le remplacement de l’arabe par l’alphabet latin d’où une transformation de la Turquie dans une vaste école d’écriture (1928), l’égalité totale des hommes et des femmes dans tous les domaines, donc aussi dans les écoles. Ainsi, aujourd’hui un professeur d’université ou d’enseignement supérieur sur trois est une femme, et la Turquie est le seul pays au sein de l’OCDE où le taux du nombre de diplômées en sciences de la population active jeune est plus élevé chez les femmes que chez les hommes (Joëlle Pierre (UCL): Finalités, évolution et avenir des principes kémalistes en matière d’éducation (2003).
Voilà quelques innovations dont Michel LUCIUS, instituteur, fut témoin, pendant que le géologue Michel LUCIUS, explorateur infatigable bivouaquant sous tente à la tête de son équipe de recherche (interprète, cuisinier, muletier, ouvrier, mulets …), faisait ses analyses et se chauffait à la bouse de vache séchée pendant les nuits froides de l’Anatolie de l’Est, au pied du légendaire Ararat et ailleurs dans ce vaste pays.
Le promoteur de l’éducation populaire.
Un mot encore sur l’activité de Michel LUCIUS dans l’éducation populaire. Abstraction faite de sa présence dans les activités de la Société des Naturalistes luxembourgeois, Michel LUCIUS a été un des premiers conférenciers dans la Fédération des Associations d’Education populaire, dont le président fut l’instituteur Mathias ADAM, également président de la FGIL. Dans son étude très fouillée « Les Associations pour l’Education populaire (1908-1918) », publiée en 1988 dans le périodique « Galerie », le professeur Jacques MAAS mentionne un grand nombre de conférences faites à travers le pays. En plus, il écrivait des articles dans le « Luxemburger
Volksbildungskalender », donnait des cours dans le cadre de l’Association d’Education populaire d’Esch-sur-Alzette (1938) et dirigeait des excursions notamment dans le cadre du Centre culturel et d’Education populaire de Bonnevoie (ex: chantiers hydroélectriques d’Esch-sur-Sûre et de Vianden.
La survie d’un grand homme.
Avant de venir à la conclusion de cet hommage à mon collègue-instituteur que j’ai eu le privilège de rencontrer assez souvent de 1945 à 1960, je tiens à lui adresser mes remerciements posthumes et à dire ma satisfaction qu’il n’a pas été oublié par les enseignants. Car, comme le dit si bien son collègue à plusieurs titres, Armand HARY qui, paraphrasant l’inscription latine du monument de Reimberg, souligne que Michel LUCIUS, instituteur-géologue, a rendu loquaces les enfants et les pierres de sa patrie. Publication: La formation des instituteurs (ISERP 2000).
Enfin, ce n’est que justice faite au géologue et à l’enseignant qu’un Lycée technique porte aujourd’hui son nom et que son premier directeur a été un instituteur, à savoir René SCHMITT, un grand ornithologue et ami de Michel LUCIUS.
La conclusion de ce bref survol de la vie de Michel LUCIUS ne peut être que celle-ci: Instituteur, il l’est resté en tant que scientifique de haut niveau, disponible en permanence pour communiquer son savoir dans un langage adapté au niveau de compréhension de ses auditeurs. Enfin, Michel LUCIUS restait attaché au sort de l’école primaire qu’il voulait voir se développer dans le sens d’une meilleure compréhension de la vie par l’observation de l’environnement et l’étude des sciences naturelles, surtout de la terre qui est le support de la vie.
Enfin, espérons que les enseignants de nos écoles seront nombreux à venir avec leurs élèves dans cette maison, source de motivation pour entreprendre des études scientifiques.
A cet effet, il faut bien concevoir la présentation didactique des documents.
Appel est donc fait au Ministère de l’Education Nationale de faire le nécessaire pour encourager enseignants et élèves à profiter de cet instrument d’études que peut devenir l’IGML.
22.09.2005
René GREGORIUS
Note :
En 2003, la FGIL avait organisé un premier voyage en Turquie « Sur les traces du géologue luxembourgeois Michel LUCIUS ». Ce voyage a été retracé dans un livre, richement illustré. Ce livre peut être acheté ou commandé au siège de la FGIL.
Au mois d’août dernier, la FGIL a organisé un deuxième voyage intitulé: « Les trésors culturels de l’est de la Turquie ». Ce voyage sera retracé dans un des prochains journaux du SEW.
André GLODT
>> photos de la manifestation